L’engagement collaborateur s’est amélioré entre 2019 et 2020. Nos indicateurs le montrent, ceux des sociétés spécialisées comme Peakon ou Qualtrics le confirment. Les employés, notamment ceux qui ont pu télétravailler, ont bénéficié d’horaires plus flexibles, d’un meilleur contrôle de leur emploi du temps, de moindre temps de transport, et ont globalement été plus productifs.

Ce serait une grossière erreur de croire que cette amélioration ne justifie pas d’investir aujourd’hui dans l’expérience collaborateur. Ces moyennes cachent en réalité de très fortes disparités. Les travaux de l’OCDE ont démontré l’accroissement des inégalités entre les hommes et les femmes, ces dernières supportant davantage la charge mentale du foyer et des enfants. Le télétravail bénéficie à certaines populations plus qu’à d’autres et certaines populations souffrent de devoir travailler dans un logement exigu. Le télétravail n’est pas accessible à tous: près de 40% des employés français nous ont dit que la nature de leur emploi ne leur permettait pas de télétravailler et ce sont souvent eux qui ont le plus souffert de la crise sanitaire. L’absence d’interactions sociales et d’échanges a profondément modifié notre relation au travail et il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences sur le sentiment d’appartenance des employés, sur leur niveau de motivation, leur volonté de collaborer et de créer. Le risque est grand de voir certains de vos collaborateurs partir avec les premiers frémissements de la reprise économique ou de voir vos meilleurs talents rejoindre une entreprise plus authentique et qui offre un meilleur environnement et des meilleures conditions de travail.

De nombreuses entreprises françaises sous-estiment l’importance de l’expérience collaborateur et la nécessité de faire évoluer leur culture d’entreprise et leur management pour s’adapter aux changements que nous traversons.

Quelques chiffres très concrets illustrent ce retard français :

  • Seuls 23% des dirigeants français que Forrester a interrogé considèrent l’expérience employé comme une priorité, contre 28% en Allemagne, 32% au UK et 42% aux Etats-Unis.
  • Seuls 10% des employés français considèrent leur expérience collaborateur “excellente”, contre 15% des allemands, 20% des anglais, et 26% des américains
  • Seuls 27% des employés français ont l’impression que leur organisation considère la crise comme une opportunité de transformer la culture d’entreprise, contre 37% en Allemagne, 41% en Espagne, 44% en Angleterre et 47% en Italie.
  • Seuls 44% des employés français font confiance à leur manager direct pour gérer la situation actuelle, contre 53% au UK et 55% en Allemagne. Sur les cinq principales économies européennes où Forrester a mené cette étude, les employés français étaient à fin mars 2021, ceux qui faisaient le moins confiance à leur management pour gérer la crise et en sortir.

La capacité à profiter de la reprise économique dépendra de l’expérience collaborateur

Plusieurs tendances se conjuguent faisant de l’expérience collaborateur une urgence :

  • Il n’y a pas d’accélération technologique sans évolution profonde de la culture d’entreprise. Le télétravail a forcé les employés à adopter de nouveaux comportements et de nouveaux outils collaboratifs en quelques semaines et quelques mois, mais il faut des années pour adapter des process, des organisations et faire évoluer une culture d’entreprise. La redéfinition du rôle du bureau physique dans la culture des organisations y jouera un rôle primordial. Le management traditionnel, trop souvent basé sur une approche pyramidale et hiérarchique, doit laisser place à davantage de confiance, de bienveillance, d’autonomie.
  • Les valeurs sont critiques pour attirer et retenir les talents. La crise a renforcé la quête de sens des employés et nombreuses sont les entreprises qui (re)définissent leur mission et leur contribution sociétale. Au-delà de l’impératif éthique et de l’évolution souhaitable vers la notion de « stakeholder economy », c’est aussi un aussi un enjeu de différentiation pour attirer et retenir les talents.
  • L’expérience collaborateur est un avantage concurrentiel sous-exploité aujourd’hui. Les dernières données dont nous disposons montrent que la corrélation entre une bonne expérience employé, une bonne expérience client et une meilleure performance des entreprises s’est renforcée. Le concept de symétrie des attentions et la criticité des ressources humaines dans la performance des entreprises n’a rien de nouveau, mais la crise accélère la tendance et le besoin de transformation avec les collaborateurs.

De plus en plus d’entreprises mènent des enquêtes annuelles et des dispositifs d’écoute de leurs collaborateurs. La pandémie a été l’occasion de multiplier les études ad hoc pour comprendre leurs perceptions et leurs ressentis. C’est malheureusement insuffisant car peu d’entreprises ont une approche mature de ces sujets et agissent réellement sur le feedback de leurs employés en donnant aux managers les moyens d’agir. Piloter la donnée pour personnaliser l’expérience client est une évidence marketing pour tous aujourd’hui. Piloter la donnée pour personnaliser l’expérience collaborateur ne l’est pas. Trop peu de DRH et leurs équipes ont une expérience et une expertise data et technologique. La plupart ont un profil basé sur la gestion administrative, juridique, légale et sur la négociation avec les partenaires sociaux.

C’est un enjeu qui va évidemment bien au-delà du DRH, mais qui concerne tous les managers et les leaders d’entreprises. C’est au PDG lui-même d’incarner ce changement.

Je vous invite d’ailleurs à lire cette passionnante interview d’Hubert Joly, ancien PDG de Best Buy et professeur à Harvard Business School, qui résume très bien ces enjeux dans un grand entretien aux Echos.

Les clients Forrester peuvent télécharger l’intégralité de l’étude ici et me contacter s’ils souhaitent échanger sur cette thématique.